Cet opportunisme qui tue nos filles. (Partie II)
Je suis conscient de ce que les lignes de ce billet affecteront beaucoup de personnes dans mon entourage. Je m’excuserai d’avance de transposer ces événements douloureux, que nous avons tous mis aux oubliettes, de notre monde physique à celui virtuel. Puisse les lignes qui suivent nous apprendre quelque chose.
« La seule habitude qu’on doit laisser prendre à l’enfant est de n’en contracter aucune. » disait Jean-Jacques Rousseau.
C’est dans un état nostalgique et mélancolique que j’adresse mes cordiales salutations à chacune et à chacun de vous,
Il y a 10 ans, j’avais déjà une idée toute faite de ce que sera ma vie à mes 25 ou 30 ans. Je m’imaginais avec la même copine, un peu de barbe, les mêmes ami(e)s, un boulot et tout ce qui va avec, un salaire, une autonomie financière, une maturité grandissante, un appartement, un nouvel engin à deux ou à quatre roues, etc…
Par un fait hasardeux, il y a 11 ans, j’ai rencontré cette fille. Une rencontre qui mettait fin à mon errance dans les bouquins et dans les magazines. Elle m’a montré ce visage de l’amour, celui que j’ai cherché depuis toujours. Celui qui m’a ôté de ces longues soirées cloîtré dans ma chambre. Celui-là qui m’a permis de découvrir qu’en dehors de la littérature, il y avait une autre vie.
Je m’en rappelle comme si c’était hier, à la bibliothèque municipale. On s’est pris par la main, et côte à côte on a marché le long des fleurs du bâtiment. On s’est embrassé langoureusement comme deux jeunes amoureux. On s’est fait des déclarations enflammées, des poésies et des lettres de romances, des promesses idylliques et utopiques.
Je parle de ces rencontres que vous faites et qui vous donnent l’impression d’avoir trouvé votre voie. Ces rencontres qui vous permettent subitement de retrouver cette confiance en soi. De ces rencontres qui vous donnent le net assentiment d’être amoureux. Tellement on se sent si heureux, qu’on se met à chanter partout en chœur. Parce qu’au fond, on pense avoir trouvé sa sœur de cœur ou son âme sœur.
Elle s’appelait Adjélé. Elle avait le teint couleur d’ébène. Elle sait parler comme les hellènes. Quand elle sourit, elle illumine les cœurs. Elle met, partout où elle passe, les gens de bonne humeur. Elle est le bien dans toute sa splendeur. Enfin, c’est ce que je voyais !
Moi j’étais un garçon mystérieux. Un, comme il en existe peu. Je me disais que je n’étais pas comme eux. J’étais pour beaucoup le chevalier solitaire. Celui qui, dans le quartier, n’était que rarement solidaire. Le genre qui a un cœur de pierre. Erreur sur la personne !
Adjélé était belle comme la lune. Ses longs cheveux noirs tournaient dans l’argenté si bien que son nom lui collait à la peau. Adjélé était moins timide que moi. Elle avait dix-neuf ans. Dix-neuf ans, à cacher sa douleur d’être orpheline de père et de mère. Trois ans à n’en plus pouvoir supporter ses tuteurs, à rentrer à la maison, la peur au ventre. Adjélé devait, quand elle n’était pas à la maison, terrer sa solitude pour prendre comme seul ami quelqu’un d’imprévisible comme moi.
Elle retrouvait ses trois amies, Carmen, Elda et Yvonne, chaque weekend, entre deux coups de peignes chaudement posé dans un miroir sur leur terrasse et des plans de sorties nocturnes ou diurnes. La fenêtre ouverte, le casque sur les oreilles, elle se complaisait dans les musiques urbaines, dans les démons de la vie et dans l’incertitude de voir le lendemain.
Un trublion féminin surprenant
Avec l’âge et le temps, Adjélé n’était franchement pas aussi extraordinaire comme je l’ai cru; elle était belle mais trop indiscrète pour ne pas exister, là fut sa plus grande erreur, car elle ne put jamais toucher ce qui l’enchaînait. Elle aimait tellement la vie, le sentiment de plaire partout où elle passait, la joie de se complaire dans les sorties, de goûter à tout et à rien au risque de déplaire.
En même temps qu’elle disait m’aimer elle avait le scrupule d’écrire des « je t’aime » à d’autres personnes. Parce qu’elle avait de l’estime, de l’admiration et un profond respect pour moi, elle ne se permettait pas de me réduire à ses petits caprices.
Les autres s’en chargeaient à ma place. Crédit, lingeries, vêtements, frais de coiffure, etc… Parce que je l’aimais éperdument, je ne voyais pas tout ça. Je me fiais moins aux changements de sa moralité, de son physique, et de sa personnalité. Il y a de ces signes qui m’auraient mis la puce à l’oreille mais je ne m’en suis pas fié. (Sortie nocturne, réponse tardive à mes messages, inaccessible par moment, changement de téléphone) J’étais amoureux et c’est tout ce qui comptait pour moi.
Pour moi elle était égale à elle-même jusqu’au jour où je tombai sur une photo d’elle et d’un monsieur dans la galerie d’un ami (à l’époque nous étions tous friands des transferts par bluetooth de photos, vidéos et musiques). Les prises de becs ont commencé, l’indifférence s’est installée, des tentatives de réconciliations, et comme j’avais une fierté insurmontable, un égo surdimensionné, un égocentrisme intangible, je ne lui ai pas vraiment pardonné. Erreur de jeunesse !
Je suis devenu acariâtre, insensible et méchant. Mais en réalité c’était parce que je l’aimais toujours. Je feignais que ce n’était plus le cas jusqu’à ce matin où j’ai appris qu’elle partait en voyage avec le même monsieur (nous étions dans le mois d’août, en vacance). J’avais oui dire qu’elle partirait à 8h. Je me suis hâté, après des semaines sans répondre à ses messages, sans décrocher ses appels, je me suis hâté d’aller chez elle 1h avant pour la dissuader. Elle n’a pas eu la décence de m’accorder un peu de son temps. J’étais resté planté sur leur terrasse. Le monsieur en question arriva, de teint clair, pas togolais mais étranger, le genre habitué à porter des boubous. Ils passèrent une demi-heure dans sa chambre, puis s’en allèrent. Je me souviendrai toujours des larmes qui coulaient sur le visage d’Adjélé alors que la voiture qui l’emmenait s’éloignait lentement. Elle me regardait par le rétroviseur. Et moi qui la regardais de loin, impuissant et méprisable. Quelques larmes, quelques regrets, la vie continue.
C’est à la rentrée universitaire, à la reprise des cours qu’Yvonne m’a appris qu’Adjélé aurait fait un accident pendant les vacances et qu’elle aurait succombé. Le seul souvenir que j’ai gardé d’elle c’était ce visage en larme ce matin-là. Hum… J’ai passé des semaines à me morfondre, à me dire que j’aurais pu faire quelque chose pour elle. Je m’en suis voulu et je m’en voudrais toute ma vie de n’avoir rien pu faire pour empêcher cela.
Comme on dit, les bonnes choses ne durent jamais. Quoique.
Ces filles qui meurent opportunistes
Puisque très souvent seuls ceux qui se ressemblent, s’assemblent, Carmen et Yvonne, les deux autres copines d’Adjélé n’ont pas non plus pu échapper à un funeste destin. En effet, Carmen était la plus âgée, la plus frivole et plus laxiste qu’Adjélé. Elle et moi, on ne s’entendait pas vraiment à cause de son goût trop prononcé pour la poche des hommes. Ce qu’elle ne cachait d’ailleurs à personne, encore moins à nous. Elle s’en fout comme on dit. Mais je l’aimais bien pour son humour, pour son côté réaliste et sa maturité.
Carmen, je l’ai rencontré par un hasard quatre ans après en revenant d’une messe à 8h. Elle allait au même moment à un culte dans un de ces ministères qui pullulent partout comme des champignons de nos jours. Je ne l’ai pas reconnu du tout. Mais elle si. Elle s’était dépigmentée, elle avait un teint indescriptible, une allure de mannequin, une poitrine opulente et un visage méconnaissable. Enfin, méconnaissable pour ceux qui l’ont connu quatre ans avant.
On a échangé nos contacts et on s’est rencontré une semaine plus tard. Elle s’est excusée pour ce qu’il y a eu et m’a confié qu’elle en était à son second mari parce que le premier l’ayant quitté pour impossibilité d’enfanter. C’est le second qui l’a obligé à fréquenter ce prieuré dans mon quartier. Pour faire simple, elle en est arrivé à sortir pendant deux ans avec un Ibo qui dépensait énormément pour elle. Il était à ses petits soins sans se soucier de combien c’était. En contrepartie, il ne lui faisait pas l’amour avec le membre masculin mais se limitait seulement à la lécher.
Puisqu’elle n’enfantait pas, il a été conclu par ce pasteur que ces séances de léchages auxquelles elle s’était livrée, n’étaient pas physiques mais spirituelles. Qu’elle se faisait lécher par quelqu’un qui spirituellement prenait l’apparence d’un serpent et donc extirpait la puissance de sa partie génitale. Un an plus tard, j’aurai appris par un coup de fil d’Elda que Carmen aurait trépassé un soir du 21 Décembre 2011. En larme, elle m’apprenait également que c’est un passant qui a découvert le corps sans vie d’Yvonne, recouvert de mouches avec les parties génitales coupées, les seins tailladés et le ventre parcellisé pendant le mois de novembre 2009 à Parakou. Elle avait informé de ce qu’elle allait rencontrer un ami là-bas. J’ai juste crié « mon Dieu ! C’est impossible. Yvonne qui me paraissait moins naïve et plus sage ? » Comme quoi l’apparence est tellement trompeuse.
S’abandonner très vite ou s’accrocher à des espoirs insensés
C’est une histoire comme une autre. Peut-être bien ! Mais au fond, j’avais perdu trois amies avec qui j’ai passé la majeure partie de mon adolescence, avec qui j’ai grandi, et ceci en l’espace de ces 10 années écoulées. J’avais compris que les petites relations entre copains ou copines très souvent nous affectent et nous changent radicalement. J’avais compris que notre société se préoccupait plus de nous donner une apparence plutôt que de nous enseigner des valeurs morales. J’avais compris que plus le temps passe plus les choses vont de travers : avant c’était on tombe amoureux, on se marie, on fait des enfants. Mais, maintenant, on fornique, on tombe amoureux et peut être on se marie. J’avais compris que les parents et leur enfants se complaisaient au nom d’une prétendue mondialisation à laisser leur petite filles sortir en culotte, à porter des jupes courtes et provocantes, à fréquenter de nombreux garçons, à sortir tard et à rentrer à l’aube. J’avais retenu que la plupart des parents ont failli à éduquer leur enfants, que la meilleure éducation c’était celle à l’ancienne : couvre-feu à 23h, dîner en famille, discussion avec les enfants sur leur sexualité, bref… tout devait passer par les vraies valeurs morales. Aujourd’hui tout est laissé à l’église, à la religion et à la télévision. Une religion ou une télévision qui ne nous permet pas de faire le distinguo entre la morale et la foi, la morale et l’illusoire. Tout est mélangé ! Le système est tchakalisé…
Parents d’hier, devenus grands-parents, parents d’aujourd’hui et parents de demain, prenez vos responsabilités.
Plutôt que d’apprendre à vos filles à se défendre contre des garçons, apprenez plutôt à vos garçons le caractère sacré de la féminité, apprenez à vos garçons de ne pas violer vos filles. Mais que peut-on faire si déjà à 8 ans vous restez inerte quand elles vous répondent c’est la tendance, c’est la mode ? Si vous laissez vos filles sortir en ville en petite jupe, en tenue transparente laissent leur seins à découvert, en petite culotte, les cuisses luisantes ?
Enfin, je vous quitte avec ces trois citations : « L’éducation que l’on donne d’ordinaire aux jeunes gens est un second amour-propre qu’on leur inspire. » disait Duc de la Rochefoucauld ; celle de Jean-Jacques Rousseau qui dit « On façonne les plantes par la culture et les hommes par l’éducation. » et celle d’Edward Gibbon qui dit « Tout homme reçoit deux sortes d’éducation : l’une qui lui est donnée par les autres et l’autre, beaucoup plus importante, qu’il se donne à lui-même. »
Bien à vous !
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