A coeur ouvert (2)

Article : A coeur ouvert (2)
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2 juin 2016

A coeur ouvert (2)

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Maman,

J’étais là, hier nuit, à regarder le ciel depuis ta fenêtre. Et je me suis rappelé qu’il y a déjà un an que je t’avais écrit une lettre. Une année qui est passée si vite. Tellement vite qu’on ne l’a pas vu filer. Une année qui a englouti tant de chose. Une année où il y a eu peu de pause.

Je me suis tourné vers ta photo placée à côté de ta vieille horloge, contre un mur de ta chambre. Le silence dans la pièce, morbide, se brisa d’un coup : il fractura l’harmonie qui y régnait. Même à ta chambre, tu manques. Au rythme du ballottement du carillon, j’ai vu nos souvenirs défiler. J’ai eu envie de pleurer mais je me suis retenu.

Le balancement des pendules de cette horloge a atteint mon esprit, comme une maladie. Comme une maladie, il a emporté mes envies, mes joies. Il a heurté ma sensibilité, ma foi. Aujourd’hui, c’est la fête des Mères. Et comme je te l’avais dit dans ma dernière lettre, je n’aimerai pas attendre de telles occasions pour t’aimer fort. Pour t’aimer encore et encore.

Le temps passe tellement vite, Maman. Je me suis demandé ce que je pouvais te dire cette fois que tu ne saches déjà. Je me suis imaginé ce qu’il y aurait eu si tu étais encore là.

Vois-tu ? Spéra a grandit. C’est une femme aujourd’hui, brillante, forte et déterminée. Elle a fait ce petit bout de chemin avec le vide que tu as laissé. Elle s’est accrochée à la vie sans s’y lasser. Autour d’elle, tout le monde a su jouer son rôle. Elle a su garder la tête sur les épaules. Elle n’a manqué de rien. Elle s’égosille même parfois à dire qu’elle se sent bien.

Mais, tu sais ? Il y a toujours ce tremblement de ses lèvres, cette intensification des battements de son cœur qui la trahisse quand elle entend ton nom. Même dans ces cas, à tous nos mots de réconfort, elle dit non. Tout chez elle me fait penser à toi. À cette force de caractère que tu avais. À cette sensibilité que tu cachais. À cette pureté dont tu débordais. À cette fermeté que tu montrais.

Jacques est resté lui-même. Ses habitudes n’ont pas changé. Toujours aussi mignon et intelligent, toujours aussi posé et rangé. Il a eu un parcours scolaire exemplaire. Au point où, après son Bac, on a eu du mal à l’orienter vers quoi faire.

Gérard a beaucoup souffert de ton absence, de celle de Papa aussi. Il reste souvent enfermé dans le noir à te pleurer, à s’inquiéter. Ta soudaine disparition l’a profondément marqué. Beaucoup plus qu’on ne s’y attendait. C’est aussi un grand garçon, aujourd’hui. Il est un peu emporté par cet élan de modernité, de mondialisation. Mais, rassure-toi, il reste raisonnable.

Faut-il que je te parle de moi ? Ton absence me ride. Les déboires que j’ai connu ces derniers mois rendent mon existence de plus en plus aride. Je me sens comme un ciel sans étoile, une piscine sans eau, une Rolls Royce sans carburant.

Pourtant, je reste confiant. En l’avenir, je crois. Donc, je ne m’arrête pas. M’arrêter, c’est te déshonorer. Pourrais-je oser ? Non. Je te promets de persévérer. La mélodie envoûtante de mon cœur me suffit. Tu as de l’avenir, fiston. Autour de moi, c’est ce qui se dit. Je surfe sur une vague d’océan qui m’emporte à elle toute seule. Elle me berce. C’est elle qui m’insuffle toute cette énergie. Celle qui me permet de t’écrire actuellement.

J’aurai aimé avoir plus de temps pour te parler de cette fille. Celle que je t’avais dit que tu aurais aimé parmi mille. Mais je te laisse te forger une idée d’ici notre prochain contact épistolaire.

Les enfants offrent des cadeaux à leur maman en ce jour spécial. Comment faire pour que tu aies les tiens ? Spéra, Jacques et Gérard voudraient te prouver combien ils t’aiment mais tu n’es pas là. Pour une huitième fois, tu n’ouvriras plus la porte. Pour une huitième fois, j’ai encore du mal à croire que tu es morte.

Tu nous manques, Maman.

Je t’aime.
Guillaume.

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Commentaires

Aboudramane koné
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j'ai écrasé une larme. Sincère, pudique et touchant.''Faut-il que je te parle de moi ? Ton absence me ride. Les déboires que j’ai connu ces derniers mois rendent mon existence de plus en plus aride. Je me sens comme un ciel sans étoile, une piscine sans eau, une Rolls Royce sans carburant.

Pourtant, je reste confiant. En l’avenir, je crois. Donc, je ne m’arrête pas. M’arrêter, c’est te déshonorer. Pourrais-je oser ? Non. Je te promets de persévérer. La mélodie envoûtante de mon cœur me suffit. Tu as de l’avenir, fiston. Autour de moi, c’est ce qui se dit. Je surfe sur une vague d’océan qui m’emporte à elle toute seule. Elle me berce. C’est elle qui m’insuffle toute cette énergie. Celle qui me permet de t’écrire actuellement.''Baisse pas les bras frangin.

Guillaume DJONDO
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Promis ! Merci frangin.

Albert KAMDEM
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les larmes de deuil, je le crois, sont éternelles. quand elles sèchent de l'extérieur, elles dégoulinent secrètement a l’intérieur. je souhaite que votre chagrin soit une force pour relever les défis de la vie.

j'aime bien votre plume, elle est très fine!

daves