L’aisance, la bienséance et la méfiance

Article : L’aisance, la bienséance et la méfiance
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23 août 2015

L’aisance, la bienséance et la méfiance

Crédit : pratique.fr
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Bien le bonjour cheres lectrices et chers lecteurs,

Petit, mon père me disait souvent que l’Afrique est un continent mystérieux avec des hommes malveillants. Qu’il faut limiter au maximum ses fréquentations parce qu’il n’y a pas plus cruel que l’homme. On prenait ça pour de l’effronterie et de l’exagération. Mais de façon cruelle, c’est le temps qui lui a donné raison.


Entre évidence et réalité…
Déjà sur les bancs, il y avait une certaine méchanceté gratuite qu’on a connue venant de nos camarades. Des coups tordus comme la disparition soudaine de nos portefeuilles, de nos téléphones, de nos ordinateurs à l’heure de sport ou des travaux manuels. Des camarades brillants qui tombaient malades en pleine année scolaire et qui en raison de la gravité de leur états de santé, ne finissaient pas l’année scolaire.

Il me souvient de ce camarade Bruno qui nous mâtait correctement en mathématique et en physique, avec qui je rivalisais en anglais et en français, qui est tombé malade une semaine avant le début des examens du BAC et qui n’a pas pu composer pendant trois ans parce que souffrant subitement d’une fièvre typhoïde inguérissable. Ce n’est que lorsque j’étais en train de terminer ma licence en droit que je l’ai croisé dans une longue queue à la direction des affaires académiques et de la scolarité, venant s’inscrire en première année de mathématique à l’université.

Il me souvient aussi de la fille de ma voisine grosse comme une patate qui est subitement tombée malade et qui a radicalement maigrit. Au départ, nous avions tous cru qu’elle avait choppé une de ces MST et qu’elle avait le sida. C’est avec le temps passé dans une église, puis dans leur village à Bassar et avec les recoupements de ses parents, qu’elle a été reconnue comme étant victime de sorcellerie. En réalité, il s’est avéré que la fille en question, âgée de 19 ans, a tapé la petite fille de 6 ans d’une locataire et que pour se venger, cette dernière, la locataire, lui a donné de la sorcellerie. De sa confession, elle disait voyager la nuit et manger avec difficulté les repas qu’on lui offrait. Puisqu’elle se privait de nourriture volontairement dans le monde spirituel, elle commençait à en subir les effets dans le monde physique. Interrogée, la locataire a bien évidemment nié jusqu’à ses dernières heures sur un lit de moribond. Elle a avoué lui avoir mis quelque chose dans un plat pendant la période de fin d’année où tous les voisins s’échangent de la nourriture par courtoisie.


Entre peur et repli…
En grandissant, ce que nous considérions comme utopique a commencé par prendre corps, devenir une évidence. Certains de nos amis et frères qui commençaient à s’accomplir petit à petit avec un boulot stable, un foyer, étaient subitement frappés par des incidents funestes. Je ne vous raconte pas encore l’histoire de ce copain qui a passé 5 mois dans un état comateux après s’être fait empoisonné à l’anniversaire d’un de ses amis. Et je refuse de croire que c’est de la volonté de Dieu d’arracher des gens dans la fleur de l’âge à leur parents occasionnant des chagrins incommensurables. Je vous raconte tout ça parce que nous sommes dans un monde impitoyable avec des monstres froids qui rigolent à belle dent avec nous mais qui au fond nous détestent. Parce que pour une énième fois j’ai perdu un frère qui après avoir galéré pendant pratiquement trois années à la maison a commencé à travailler dernièrement. Son dynamisme lui a valu l’estime de son patron. Il était l’homme à tout faire de la boîte. Il était la personne ressource pour les missions et les prospections. Par un malheureux incident, il se retrouve depuis quelques jours à la morgue. Lui, fils ainé de ses parents, qui à 28 ans quitte la maison un matin et n’y reviendra plus jamais.

Il y a 10 ou 20 ans l’adage « ce sont les enfants qui enterrent leur parents » avait tout son sens. Ce n’est plus le cas actuellement parce que nombreux sont les parents qui enterrent leurs propres enfants de nos jours. Et c’est des plaies qui ne se cicatrisent jamais. Qui ne guérissent aucunement avec le temps. C’est tellement de douleur et de chagrin, un vide que rien ni personne ne peut combler.

Je ne sais plus dans quel état je suis en vous écrivant ces lignes mais, je sais que mes larmes qui coulent sont consécutives à la profonde tristesse qui m’anime depuis quelques jours. Tellement nous nous battons pour être dans l’aisance qu’à peine nous commençons à jouir de quelques fruits que certaines personnes aiment à venir nous couper les herbes sous les pieds. Tellement nous faisons l’indolent et l’éclectique que certaines personnes aiment à nous tricher et à prendre plaisir à nous marcher dessus. Tellement nous cherchons à être justes et bons que les mauvaises personnes profitent de la première occasion pour nous ôter la vie.

Tout ça fait froid dans le dos, fait terriblement peur et ne laisse pas indifférent. On gagne quoi à ôter la vie à son prochain ? On gagne quoi à faire du tort à autrui ? On gagne quoi à tricher les autres ?

C’est des questions existentielles que je me demande si nous nous posons parfois.

Beaucoup de personnes dans notre entourage ne comprennent pas pourquoi nous sommes méfiants, réservés et discrets. Ce n’est pas du tout étrange. C’est la seule forme de prévention que nous ayons trouvé dans ce monde où on ne sait plus qui est qui, et qui fait quoi.

Puisse le père céleste accepter nos amis et proches à sa droite dans son royaume. Et puisse-t-il pardonner à tous ceux qui dans la chaleur de l’ombre cherche à nous causer du tort.

Bien à vous !

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