Au nom du peuple…

Article : Au nom du peuple…
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21 décembre 2016

Au nom du peuple…

Une sélection nationale constituée de joueurs représente la nation togolaise depuis quelques années. Au nom du peuple, ces derniers donnent le meilleur d’eux sur le terrain. Ou pas… En 2012, ils se sont miraculeusement qualifiés pour la Coupe d’Afrique des Nations qui devrait se dérouler quelques mois plus tard en Afrique du Sud. Au nom du peuple, celui qui dirige le pays depuis 2005, qui s’est fait réélire en 2010, selon ce que ses proches disent, a fait un discours au soir du 31 Décembre 2012. Ce discours est apparu comme un méa culpa du chef de l’état. Tant il a évoqué le sujet fâcheux des réformes, tant il a même effleuré l’épineuse question de la répartition des richesses qui selon lui « les ressources de notre pays sont accaparées par une infime minorité des Togolais. » Devant les postes radios et téléviseurs, le peuple a dit « Alléluia» !!! Il est allé plus loin en précisant qu’ « une nouvelle dynamique politique visant à faire de chaque citoyen Togolais un artisan d’une nouvelle gouvernance fondée sur l’inclusion politique, économique et sociale et la rigueur dans la gestion de la chose publique ». Devant les postes radios et téléviseurs, le peuple a dit de nouveau « Alléluia, il a enfin reçu Jésus Christ comme Seigneur et Sauveur » !!!

Quelques semaines après, les éperviers devaient se rendre en Afrique du Sud, ils avaient besoin de soutien. Tout les favorisait, tout les appelait au stade. Le peuple les poussait, les opérateurs économiques les encourageaient, l’état leur tendait la main. Chacun semblait leur dire : volez très haut, Eperviers. Ils n’avaient qu’à se présenter ; ils se sont présentés donc, et ont eu une qualification pour les quarts de finale.

Au nom du peuple, un individu à la moralité douteuse dans le comité de participation a eu la bêtise de miser sur leur échec. Il s’est permis de faire une réservation qui prendrait fin après l’étape des sélections pour le quart de final. Malheur pour lui, les Eperviers réussissent à franchir cette étape. Il fallait proroger leur séjour à l’hôtel, il fallait proroger les commandes de restauration, il fallait prolonger les séances d’entraînement, il fallait reporter le vol de retour à Lomé. Bien évidemment, tout ça implique des frais. Il y avait ce moyen mais comme le football ne sert qu’à distraire, pour une fois, on n’a pas puisé dans les caisses de l’Etat. On a plutôt demandé aux citoyens, déjà assez emporté par l’euphorie du moment, de contribuer. De gré ou de force, chacun y a participé.

Au nom du peuple, un montant de 1 milliard 50 millions a été rassemblé à la date du Mardi 29 Janvier 2013 sur les prélèvements des coûts de communication, sur l’augmentation des prix du ciment, sur l’augmentation des prix du carburant, sur l’augmentation des prix de la bière, et par conséquent une augmentation subite sur les prix des denrées de première nécessité. Il y a eu une grosse flambée à tous les niveaux. Chacun voulait en profiter… Prix du taxi, prix de la course avec le zémidjan, prix de la pâte dentifrice, prix du lait, prix du papier hygiénique, prix du riz, etc… Comme aucun sacrifice n’était trop grand pour la cause des éperviers, le peuple s’est tu. Le président du comité de mobilisation des fonds pour la participation du Togo à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2013, Etienne Bafaï, s’est même félicité en disant que « la volonté des Togolais pour la Participation des Eperviers à la Can est très manifeste. » Il a ajouté « nous avons trois types de contribution : il y a les contributions volontaires, la contribution de l’Etat et les contributions spéciales qui se font à travers certains opérateurs économiques. Au titre des dons volontaires, nous avons enregistrés jusqu’à ce jour 250 millions de la part des donateurs. L’Etat a contribué à hauteur de 800 millions…  ».

Au nom du peuple, quelques jours plus tard, les éperviers ont échoué dans les épreuves des quarts de finale. Il n’y avait plus rien à faire dans un pays étranger. La déception était amère mais il fallait rentrer chez soi. Au nom du peuple, l’avion n’est jamais arrivé à destination. Les éperviers ont dû dormir sur les bancs de l’aéroport comme des rats. Scandale !!! Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-il arrivé à tout cet argent collecté ? Personne ne comprenait. En un, deux, trois ans, personne n’a jamais compris.

Trois ans plus tard, en Novembre 2016, le sort offre une seconde chance aux éperviers. Ils se sont mystérieusement qualifiés pour la Coupe d’Afrique des Nations qui doit se dérouler au Gabon en 2017. Et prélude aux préparatifs, le gouvernement annonce un comité de mobilisation de fonds. Comment pouvait-on créer une commission sans que la précédente n’ait fait les comptes des dépenses effectuées ? Comment pouvait-on s’assurer que cette nouvelle commission serait plus responsable que la précédente ? Comment pouvait-on penser que le peuple contribuerait encore une fois pour qu’un individu s’envole dans la nature mieux que les éperviers sur un terrain de football ? A cet énième foutage de gueule, le peuple a décidé de dire STOP à l’irresponsabilité, à l’irréflexion, à l’insouciance des dirigeants. « La loi est la même pour tous soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » dit l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1786. Cette déclaration précise en outre dans son article 14 que « tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. »

Au nom du peuple, une campagne avec l’hashtag #FaisonsLesComptes a été lancée sur les réseaux sociaux. Les médias locaux en parlent, les médias internationaux en reparlent. Le peuple voudrait connaître le montant mobilisé et ce qui en a été fait. Le peuple voudrait plus de transparence dans la gestion des deniers publiques. Le peuple s’arroge, aujourd’hui, les prérogatives que le chef de l’Etat lui a concédé au soir du 31 Décembre 2012 : le peuple veut de la rigueur dans la gestion de la chose publique.

Au nom du peuple, #FaisonsLesComptes !

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