Vous êtes sourd, Monsieur le Président !

Article : Vous êtes sourd, Monsieur le Président !
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16 décembre 2016

Vous êtes sourd, Monsieur le Président !

Excellence,

On avait espéré, Excellence, que vos conseils, après ces nombreuses interpellations de la rue depuis 2013, vous tireraient de ce chemin si égaré. Mais vos conseillers n’ont ni force ni vigueur pour le bien. Du moins, pas en ce qui concerne celui de votre population. Ils ont une définition contraire du bien. Pour eux, faire le bien, c’est menacer, intimider, remplacer. Leur faiblesse et leur timidité les déshonorent et scandalisent tout le monde, aujourd’hui. L’éducation au Togo est aux abois. Et votre population a désespérément cherché de nombreuses fois à vous parler franchement. Le seul recours qui lui restait était la rue… Vos conseillers, aujourd’hui, craignent de vous déplaire. Ils ne vous aiment donc pas, car il faut être prêt à fâcher ceux qu’on aime, plutôt que de les flatter ou de les trahir par son silence. À quoi sont-ils bons, s’ils ne vous montrent pas que vous devez reformer les secteurs comme l’éducation et la santé, qui constituent l’épine dorsale soutenant toute nation ? À quoi sont-ils bons, s’ils ne sont même pas capables d’organiser les assises de l’éducation, que vous avez annoncé depuis des années déjà, si ce n’est vous embourber de faussetés au quotidien ?

Vos conseillers, en lieu et place d’une négociation, pour satisfaire les revendications légitimes des professeurs, ont préféré lancer un concours. Que peut-on conclure si ce n’est du mépris envers ce corps qui se bat bec et ongle pour offrir un enseignement décent à votre peuple. Que peut-on penser si ce n’est de la bêtise humaine doublée d’une inconscience professionnelle à l’endroit de cette catégorie qui, même mal payée, continue de braver le soleil et la pluie pour dispenser leur savoir en toute fierté. Ce peuple, votre peuple, peu à peu, commence à perdre le peu de respect qui lui restait pour vous, Excellence. Tant il lui semble, et vous le confirmez au quotidien, que vous ne l’écoutez point. Tant il constate que les priorités, celles pour lesquelles il vous aurait élu, ne sont en aucun cas les vôtres.

C’est avec grand chagrin, avec une douleur extrême que je me vois dans l’obligation de vous écrire de nouveau, Excellence, puisque enfin vous ne voulez point parler et que vous ne voulez point écouter votre peuple. Je ne m’en plains pas toutefois dans cet exercice à sens unique. Vous avez parlé de mandat social, un concept qui a fait tressaillir plus d’un. Un concept qui a redonné de l’espoir à de nombreux citoyens ténébreux. Un concept qui, aujourd’hui, meurt dans les sorties quotidiennes des élèves et des enseignants. Qu’avez-vous compris du mandat social ?

Le concept de mandat social sous-tend préférer la vie de son peuple à une fausse gloire, réparer les maux faits à une population, et songer à devenir un Président soucieux de l’intérêt général. Oui, un Président plus soucieux de son image au plan national qu’à l’international. Pourquoi préférer polir son image auprès de ceux qui ne vous connaissent pas qu’auprès de ceux qui, vous ont donné mandat pour les gouverner ? Un mandat social suppose anticiper les besoins de sa population avant même que celle-ci ne l’exprime. Lui accorder une liberté de parole, l’écouter, et en tenir compte. Aujourd’hui, vous vous perdez dans d’inutiles circonvolutions à essayer d’organiser des sommets, à essayer désespérément de plaire à l’étranger.

Je sais bien que, quand on parle avec cette liberté universelle, on court le risque de perdre votre faveur. Mais votre faveur est-elle plus chère pour vos conseils que faire le bonheur de votre peuple ? Je sais bien aussi qu’on doit vous parler avec zèle, douceur et respect. Mais il est honteux qu’ils aient votre confiance sans fruit depuis tant de temps. C’est à eux de se retirer si vous êtes trop ombrageux et si vous ne voulez que des flatteurs autour de vous. Vous demanderez peut-être, Excellence, qu’est-ce qu’ils doivent vous dire. Le voici : il faudrait à un moment donné vous ranger du bon côté de l’Histoire, vous autoriser la liberté de circuler dans certains quartiers des régions du Togo pour toucher du doigt la misère de votre peuple. Excellence, il faudrait que vous rencontriez les étudiants, que vous constatiez par vous-même ce qu’est devenue l’Université de Lomé, après tant d’année d’existence. Il faudrait cacher votre fierté et descendre au CHU Sylvanus Olympio pour constater dans quel état se trouve le plus grand hôpital du pays que vous dirigez. Ce n’est qu’après ça que vous pouvez véritablement comprendre le besoin profond d’exécuter un mandat social. Tant qu’ils ne vous le diront pas, que vous ne ferez pas ce que je viens de citer plus haut, vous resterez dans cette bulle dans laquelle vous vous êtes enfermé depuis 2005, vous ne comprendrez rien des besoins de votre population.

Vos conseillers doivent vous représenter qu’il faut vous humilier sous la puissante main de Dieu, si vous ne voulez pas qu’il vous humilie. Qu’il faut nourrir votre peuple, et expier par cette honte toute la gloire dont vous avez fait votre idole, qu’il faut rejeter les conseils injustes, des politiques flatteurs. Qu’enfin il faut rendre au plus tôt à votre peuple, sa fierté d’appartenir à une nation unie, pour sauver l’État.

C’est folie de lutter contre la destinée de votre peuple, Excellence. Vous aviez le mérite requis, on me l’assurait, et je le croyais, je vous l’avoue. Le pouvoir nécessaire, Excellence ! Mais à l’heure où je vous écris, je n’y crois plus, je n’espère plus, et je n’attends que votre départ. Car, il est clair qu’aujourd’hui, vous êtes sourd, muet, et aveugle, Monsieur le Président !

Que peut-on attendre d’un sourd si ce n’est le silence ?

Un citoyen inconnu de vous.

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